Seul-e ? Moi aussi, ça m’arrive.

Moi aussi, ça m’arrive de me sentir seule. Assez souvent en fait.

Et pourtant, je suis loin d’être isolée. Je dirais même que je suis franchement privilégiée en terme de relations. J’ai mon mari, mes enfants, des voisins sympas, des amis et de la famille du genre très nombreuse que je vois régulièrement.

Alors d’où vient-il ce sentiment de solitude ?

Évidemment, mon premier réflexe, c’est de me dire que c’est de ma faute, que je suis pas très causante, que j’aime pas téléphoner, tout ça, tout ça… J’ai failli pas écrire cette phrase parce qu’aujourd’hui, après quelques années de travail, j’arrive à mettre ce genre de pensées de côté assez rapidement, mais je me suis dit que ça te parlerait peut-être 😉

Alors, disons que ça ne vient pas que de ma nullité, ok ?

Je pense que ça vient en partie du fait de passer beaucoup de temps seule avec mes enfants.

C’est étrange cette solitude alors qu’on est entouré d’êtres humains particulièrement vivants… c’est sans doute le poids d’être seul responsable, seul « pilier ». Ils dépendent de moi, alors que de mon côté, je dois « tenir », gérer le temps, les contraintes, les besoins, les maladresses, les bobos, les disputes, les débordements émotionnels (les leurs et les miens aussi).

Être en compagnie d’un adulte devient une véritable bouffée d’oxygène !!! C’est peut-être une question d’empathie, de se sentir d’égal à égal, compris, au moins un peu…

Mais est-ce suffisant pour se sentir vraiment « connecté » aux autres ? Pour moi, le fait de croiser des personnes et d’échanger quelques mots ne suffit pas à effacer le sentiment de solitude.

Il y a une question de durée et de fréquence d’interactions, de moments partagés qui ancrent la relation. Et les interactions n’ont pas toutes le même impact : se texter c’est déjà ça, s’entendre c’est tellement plus mais se voir en chair et en os, ça n’a pas de prix ! Quand on est en présence, beaucoup de choses subtiles s’échangent à notre insu, on garde comme une marque l’un de l’autre bien plus « complète » et durable que ce qui reste d’un échange virtuel.

Mais finalement, les personnes avec lesquelles je me sens le plus liée sont celles à qui je peux rendre service ou inversement qui me rendent service, ou qui m’aident à avancer. Comme si ces personnes devenaient moins étrangères à mon quotidien – ou moi au leur.

Je crois que lutter contre la solitude, c’est reconnaître et ré-investir notre interdépendance. Accepter de donner (ne serait-ce que du temps) mais aussi de recevoir. Arrêter de croire qu’on peut – qu’on doit – se suffire à soi-même.

On ne peut pas se passer des autres. C’est dans notre nature.

Nous sommes une « espèce grégaire » comme ils disent sur wikipédia :

« Tout comme la soif protège l’animal de la déshydratation, la solitude est un signal qui protégerait l’individu, très précocement, contre l’abandon et favoriserait ainsi la survie des espèces animales grégaires. »1

La solitude, ça fait mal, c’est une question de survie.

Notre cerveau est programmé pour entrer en relation et s’engager dans des liens d’interdépendance, de coopération, de solidarité.

Voilà comment cela a commencé pour toi, petit d’homme, il y a très très très longtemps… 2

Les recherches de la primatologue américaine Sarah Blaffer Hrdy montrent que les humains se développent depuis l’aube de l’humanité en élevant leurs enfants en coopération. C’est à dire que tous les membres d’une tribu, hommes et femmes, contribuent à nourrir et élever les enfants. Car une mère seule, ou même un couple de parents, ne peut pas assumer seul les besoins de son petit.

Sans soutien de la communauté, l’enfant meure et l’espèce s’éteint.

Grâce à cette organisation unique chez les grands singes, le temps de l’enfance a pu s’allonger, le cerveau se développer davantage et avec lui les compétences requises pour vivre en interdépendance : conscience des autres, empathie, capacités de communication, etc.

Les tout-petits ont évolué pour instinctivement scanner le monde pour trouver des personnes sur lesquelles ils peuvent compter, à qui ils peuvent faire appel et de qui obtenir des soins. Ces personnes, autres que leurs parents, sont appelées « alloparents » (allo en grec signifie « autre que »).

« Afin de maintenir le contact tant avec leur mère qu’avec des alloparents bienveillants, ils prennent l’habitude de regarder les visages, de les observer et d’essayer d’y lire ce qu’ils expriment. (…) Sensibles à ces signaux, ils deviennent capables d’interpréter les états mentaux et émotionnels des autres, et donc capables d’un certain degré d’engagement intersubjectif. »3

Voilà, nous sommes faits ainsi :

Notre cerveau est programmé pour entrer en relation et s’engager dans des liens d’interdépendance, de coopération, de solidarité.

Alors quand on se passe bien des autres, quand ces liens font défaut, nous souffrons de solitude.

Et inversement, quand on fait le choix de se lier, de prendre le temps de la rencontre, de l’échange de paroles ou de services, le plaisir et la joie de vivre ensemble nous font un bien fou ! Wouhou !

 

Attention, j’ai pas dit que c’était facile, hein !

Parce que notre société individualiste nous envoie le message inverse.

« … avec des classifications absurdes du genre les dépendants d’un côté, les autonomes de l’autre. Alors que c’est l’interdépendance qui nous fait hommes et femmes. » dit Michel Billé, sociologue.

Parce que le modèle d’internet « n’est pas un modèle qui proposerait de vivre avec les autres mais un modèle qui propose de vivre pour soi. Lorsque vous vous connectez à internet, vous êtes seul, vous vous coupez des autres, même au motif ou au prétexte de vous relier. » Encore le même4.

 

Et puis, ça a beau être essentiel à notre bonheur parce que c’est comme ça qu’on est fichu, ça fait flipper quand même.

Parce que reconnaître qu’on a besoin des autres, c’est accepter d’être vulnérable, accepter notre « humanitude » comme dit Serge Marquis.

Parce que s’engager dans une relation, c’est prendre le risque de souffrir.

Parce que choisir de prendre du temps pour les autres dans nos emplois du temps de folie, c’est renoncer à d’autres choses…

 

Panach’âges, un lieu de proximité pour se rencontrer et tisser des liens.

Virer la solitude du quotidien, et profiter de la chaleur et de la joie de moments partagés !

Profiter des petits trous dans nos emplois du temps pour se rencontrer, pour se poser, s’amuser, se lier. Bref, se ressourcer, se reconnecter à notre humanité.

Du coup, faciliter la rencontre est vraiment une priorité de Panach’âges. T’accueillir le mieux possible, te présenter les autres, te proposer un café ou une activité – qui sont finalement de simples supports pour passer un moment ensemble.

Et tu vois, je pense que Panach’âges ne sera accessible que sous forme d’abonnement. Parce que les liens se tissent dans le temps, au fil des moments partagés. Et parce qu’acheter l’abonnement, c’est déjà s’engager.

Sinon on est tenté, histoire de pas trop s’engager, de consommer une distraction et de repartir aussi seul-e qu’en arrivant. Et puis ça prend un peu de durée et de régularité pour installer de nouvelles habitudes dans sa manière de vivre.

C’est d’ailleurs pour ça que je me suis engagée à t’envoyer deux missives par mois. Parce que je pense que la régularité et la continuité de cette interaction commence à tisser un lien entre nous, et ça, ça compte !

Alors, merci de me lire ! Et désolée, elle était franchement trop longue celle-ci…

A bientôt

Claire

PS : Juste pour rigoler…

 

1Cacioppo, John et Patrick, William, Loneliness: Human Nature and the Need for Social Connection, New York : W.W., Norton & Co.

2Les paragraphes qui suivent sont issus du livre de Brigid Schulte « Overwhelmed, How to Work, Love and Play when no one has the time. »

3 Sarah Blaffer Hrdy dans son ouvrage Mothers and others, publié en 2016 par les éditions L’Instant présent sous le titre Comment nous sommes devenus humains.

4Michel Billé, dans « A tout âge : faire société… » Mars 2016.

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